La race humaine n’était qu’un accident, un évènement fortuit dans un cycle amorcé des millions d’années plus tôt. Nous ne sommes qu’une bande de têtards, à peine sortis de l’eau, qui apprenons à marcher.
Fannie Flagg
Après le coup de cœur de « Beignets de tomates vertes », l’enchantement de « La dernière réunion des filles de la station-service », et de « Miss Alabama et ses petits secrets», j’ai retrouvé avec plaisir cette conteuse de l’Amérique profonde.
Elner Shimfissle est octogénaire, voire beaucoup plus. Elle ne sait plus exactement son âge, sa sœur Ida, pour ne pas dévoiler le sien, a caché la bible où les dates de naissance était inscrites. Elle est appréciée de tout son quartier d’Elmwood Springs, dans le sud du Missouri, pour ses pensées positives et son aptitude à faire le bien autour d’elle.
Ancienne fermière devenue veuve, elle n’a jamais eu d’enfants. Sa nièce Norma, maniaque de propreté et de savoir vivre*, s’occupe d’elle et s’angoisse en permanence à son sujet, mais bon, Norma s’angoisse et s’évanouit pour tout et pour rien.
* “Macky, son époux, a coutume de dire qu’il ne se lève pas, la nuit, pour aller aux toilettes, de crainte qu’à son retour, Norma ait déjà refait le lit.”
Elner, en voulant cueillir des figues, est attaquée par un essaim de guêpes. Elle chute lourdement de l’escabeau et perd connaissance.
À l’hôpital de Kansas City, elle est déclarée décédée et la rumeur se repend rapidement dans Elkwood Springs.
Pendant que ses amis et voisins, depuis la coiffeuse râleuse jusqu’aux propriétaires cupides du salon mortuaire, demeurent stupéfiés par la nouvelle, Elner se retrouve au Paradis. Outre sa soeur Ida et Thomas Edison, Elle y rencontre la femme de Dieu, Dorothy, qui présentait, dans sa vie terrestre, une émission radiophonique suivie par tout Elkwood Springs et Dieu, lui-même, “appelles-moi Raymond“, plein d’amour pour le genre humain et qui reconnait sa propension à faire des erreurs.
« -Tu sais Elner, à propos de couleurs, j’ai peut-être fait une erreur, moi aussi.
-Toi, une erreur ?
-Avec les gens, oui. J’aurais dû leur donner à tous la même couleur de peau. Jamais je n’aurai imaginé tous ces problèmes. »
Bon, je ne vous ferais pas languir plus longtemps.
Imaginez le séisme, que dis-je le tsunami quand Elner se réveille en pleine forme à l’hôpital.
Entre médecins affolés, infirmières traumatisées, dirigeants apeurés, avocats retords, voisines déconcertées sans oublier une Norma, qui s’évanouit à tout bout de champs, et lui fera promettre de ne pas raconter sa visite dans l’au-delà, Elner va reprendre sa petite vie tranquille et, semble-t-il, sans histoire.
Mais pourquoi cachait-elle un revolver dans le fond de son panier à linge ?
Sans acrimonie, Fannie Flagg nous offre une critique douce amère de la société américaine dans les petites villes de la “bible belt”, où tout changement est synonyme d’inconvénients, voire de désastres futurs, n’épargnant ni la religion : Église new âge, œcuméniques, taille unique et en kit (à monter soi-même), qui s’était éloigné de la Bible au point de ne plus la citer, ni leurs idées proches de nos « brèves de comptoir », : « Pense aux tueurs kamikazes qui se font sauter avec une ceinture d’explosifs, convaincus que soixante-dix vierges les attendent au paradis. Ils en seront pour leurs frais quand ils constateront au réveil* qu’ils sont simplement morts et qu’ils se sont fait sauter pour rien. ».
*Là, je ne souriais plus, j’ai éclaté de rire.
La définition du bonheur pour un lecteur* ne serait-elle pas d’avoir un sourire permanent dans la tête ?
*ou une lectrice
Nous irons tous au Paradis, Fannie Flagg, Cherche-Midi, 2016, 394 pages, Roman
*ouais ** bon *** très bon **** j’aime
Le bémol du Papou : La deuxième partie m’a paru, a postériori, un peu longue mais comme je souriais, je ne m’en suis presque pas aperçu.
Tu as l’air d’avoir bien rit pendant cette lecture. Je le note donc.
Pas rit, mais j’ai sourit pendant la plus grande partie du roman.
Le Papou