« Lorsque le dernier arbre aura été abattu, le dernier fleuve pollué, le dernier poisson capturé, vous vous rendrez compte que l’argent ne se mange pas. »
Chef Seattle (1854)
Un petit bouquin de rien du tout, 49 pages seulement selon la liseuse, 112 selon les libraires*.
Une petite merveille de poésie, de violence et de réflexions. La violence existe aussi dans la poésie.
Un conte, une légende, une vision, un présent dégénéré ou un futur post-apocalyptique, vous choisissez et vous vous laissez bercer par des phrases toutes en douceur dans ce monde sans oiseaux, « Il parait qu’autrefois certains animaux traversaient le ciel grâce à leurs ailes, de fins bras couverts de plumes qui battaient comme des éventails. »
*Il m’en manque ou…pas
De la naissance de la narratrice « sous le cri de ma mère qui me surplombe, petit corps gluant qui vient de ramper hors de sa nuit rouge » pendant que son père, le pasteur de la petite communauté, homélise* sur le cerveau contenu dans une « petite boite d’os » et la voilà nommée : “Petite boite d’os”.
*C’est du vaticanais psalmodique médiéval = prononcer une homélie
Des cochons transgéniques, fluorescents grâce à des gènes d’anémones de mer, « c’est plus pratique l’hiver pour les surveiller », devenus amphibies par l’addition de ceux de lamantin, puis enfin croisés avec ceux d’axolotl, ces larves amphibies dont les membres peuvent repousser, « et le village se remplit de bêtes fluorescentes mutilées qui gouttent leur carnaval de plaies jusqu’à ce que leur chair soit reconstituée. »
Les petites maisons sont montées sur roues pour pouvoir les déplacer rapidement. La vie est simple dans cette communauté rurale, la pêche, le jardin, l’amour. Elle s’écoule avec son lot de petits bonheurs, un fils, Kurt, une truie apprivoisée, Rosie, et parfois de grands malheurs, un enfant mort-né, une amie qui se suicide ou un frère qui perd ses jambes.
Une vie calme, lente et difficile, on subit plus qu’on dirige, mais qui, pourtant, s’enfuit beaucoup trop vite jusqu’à son décès, quand “Petite boite d’os” rejoindra enfin Jeff Le Cannibale, son grand amour, dans ce lac de plus en plus profond, où l’eau continue à monter et où s’amoncellent les cadavres qu’on n’enterre plus.
Au-delà de cette apologie de la simplicité rurale, cela reste surtout, pour moi, une satire du futur quand notre insouciance écologique aura pourri la planète.
Une des raisons qui me font lire surtout des polars est que, lecture terminée, je n’ai nul besoin de continuer à y penser.
Je devrais en vouloir à Karin Serres d’avoir violemment perturbé ma tranquillité bonasse. Je vais me sentir mal à l’aise en admirant la robe écarlate d’un cardinal qui trille au plus haut du pommier.
“-Non, Chérie, pas de jambon pour moi, ce soir.”
Les avis de Noukette , d’aifelle, de Sandrine, de Cuné, de Yue Yin, certaines ont aimé, mais pas toutes, à vous de voir.
PS: Chef Seattle ou Si’ahl était un indien Duwamish, tribu de l’est de l’État de Washington.
Monde sans oiseaux, Karin Serres, Stock, 2013, 112 pages, roman
*ouais ** bon *** très bon **** j’aime
Le bémol du Papou : Il y a en certainement mais le contenu est trop important pour qu’on s’y arrête.
Encore un qui me tente bien 🙂
Il est dans ma liseuse, tu le veux ?
Le Papou
Toute une vie en cinquante pages, une merveille 🙂
Oui, et un grand sujet de réflexions.
Le Papou
Si court? Je suis quand même très très tentée par ce que toi et Yue en disent.
Il ne faut pas résister à la tentation 🙂
Le Papou
C’est le style qui m’a posé le plus problème dans ce court roman. Il est particulier alors on n’accroche ou pas… pas moi…
Je me suis senti bien dès le début.
Le Papou
Une lecture que je qualifierai d’étrange.
Étrange en effet mais qui oblige à réfléchir.
Le Papou